Merry consulta l'heure sur sa montre. L'aiguille luttait pour avancer, mais finissait toujours par reculer pour revenir à sa position initiale. Elle laissa tomber son bras, puis soupira. À quoi bon? Les piles étaient mortes depuis quatre jours, mais elle continuait à espérer que peut-être, par le biais d'un miracle inexpliqué, la mécanique se remettrait à fonctionner parfaitement.

Autour d'elle, élèves et professeurs allaient et venaient. Certains quittaient un cours alors que d'autres cherchaient encore leurs salles. Parfois, au détour d'un couloir, un élève avalait son repas préparé la veille en quatrième vitesse afin d'arriver à l'heure et le ventre plein. Si son cours n'était pas déjà terminé, il était déjà bien entamé. Son indifférence qui l'avait accompagnée tout le long du semestre se transformait peu à peu en une angoisse discrète qui venait la saisir à la gorge pour lui murmurer une idée qui serait bientôt plus que ça : tu n'auras jamais ton année.
Merry la chassa dans un haussement d'épaule. Il était trop tard de toute manière. Trop tard pour aller dans ce cours, trop tard pour changer le passé, trop tard pour pleurer. Elle fit demi-tour et traversa à nouveau long couloir à contre sens pour rejoindre le hall. Autant trouver un endroit où s'installer calmement pour attendre le prochain. Avec un peu de chance, elle ne le louperait pas.

Mais Merry n'avait jamais vraiment eu de chance.

Une chaleur peu supportable — mais à laquelle elle commençait à s'habituer en cuisine — s'échappa de la cage d'escalier dans un grand bruit d'explosion et de crépitement. D'instinct, elle protégea son visage avec ses bras. Des flammes. Un incendie? Une alteration non maîtrisée ? Elle ne pouvait pas penser à mal. C'était au-delà de ses forces, au-delà de tout ce qu'elle pouvait saisir. Cependant, elle était certaine d'y avoir vu d'autres élèves. Est-ce que tout le monde va bien ?
Elle ne fut pas la seule à essayer de les rejoindre : l'infirmière, dont elle connaissait bien le visage, et une autre élève qu'elle cru reconnaitre comme était la présidente du conseil des élèves partirent dans la même direction.

Les autres prenaient la fuite, apeurés. Merry aurait fait la même chose, si elle avait su; si l'idée que derrière cette explosion ne se cachait pas qu'un simple accident. Ce n'était ni du courage ni de l'inconscience, juste de l'ignorance et beaucoup de naïveté. On l'avait déjà mise en garde plusieurs fois, pourtant, et elle avait toujours refusé d'y croire, bien qu'involontairement.

Devant elles, le sol s'effondra brusquement. Merry recula, incapable de réprimer un cri aigu de surprise et de peur. Elle chercha dans le regard de Scarlett et de Beni une réponse désespérée à quelque chose qu'elle ne comprenait pas. Elle voulait qu'on lui dise que ce n'était pas grave, que ce n'était qu'une succession désastreuse d'accidents tous liés par le hasards et que tout allait s'arrêtait dans quelques secondes.
Car Merry était naïve mais pas idiote, et face à tout ce qui venait de se produire en quelques secondes à peine, elle ne pouvait plus se contenter de l'hypothèse d'un accident. Quelqu'un était derrière tout ça, et par dessus tout, quelqu'un qui ne leur voulait certainement pas du bien. Peut-être même plusieurs quelqu'un, puisqu'il aurait fallu d'au moins deux alterations différentes pour produire les flammes et faire en sorte que le sol s'effondre.

Malgré tout quand la voix s'éleva depuis le hall, elle continua de se demander si elle avait bien entendu. « Rendez-vous calmement et il ne vous arrivera rien ! »
Merry pensa immédiatement au pire : à la mort, à la torture, à tout ce qui pourrait découler de cette situation. Elle remonta inconsciemment ses mains vers sa poitrine, mais pouvait sentir ses doigts trembler. Elle avait envie de pleurer, crier, se rendre comme il le demander, fuir, rentrer chez elle et dormir jusque la semaine prochaine, en sécurité chez elle, là où personne ne viendrait bouleverser son quotidien.
Non pas qu'elle ne faisait pas confiance à Scarlett, mais son regard se porta vers celui de Beni. Peut-être parce qu'elle était la seule adulte aux alentours, et donc celle qui avait le plus probablement vécu un certain nombre de situations dangereuses. Ou peut-être pas.
« Qu'est ce qu'on doit faire ? » murmura Merry d'une voix tremblante.

Elle se demandait si, dans les escaliers, les élèves qu'elle avait vu allaient bien.