on appelait beni "la reine des abeilles" alors qu'elle avait tout des ouvrières les plus communes, ancrée dans des routines paisibles auxquelles elle se soumettait en ployant la nuque, les yeux perdus dans des aubes vagues qu'elle ne voyait plus se lever. elle jouait les hymnes quotidiens sans même les entendre, jamais vraiment sereine pourtant quand le jour glisse entre ses doigts sans qu'elle ne puisse le saisir : elle ne serait jamais auréolée de soleil.
c'était drôle comme il suffisait d'une fausse note pour rompre l'harmonie, et alors la paix diurne était désaccordée, dissonante même ; alors beni l'ouvrière sans couronne ne pouvait retourner à la ruche. elle sourit quand la porte s'ouvre, car c'était là son rôle.
oh, bonjour even. non, tu peux entrer, je t'en prie.d'une politesse pudique qui dégageait une fadeur aseptisée, celle des rituels solaires auxquels elle se pliait car on était plus tranquilles dans les contemplations sans tragédie.
even pourtant n'était pas là pour rejouer des doux poèmes qu'elle connaissait bien, il abattrait plutôt toutes les épées de damoclès sur sa nuque dévoilée.
pardon ?ses yeux sont comme la nuit : ils dévorent beni qui ne sait comment lutter contre l'extinction du soleil. son coeur rompt le rythme des belles symphonies et elle sait qu'il peut saisir sa cadence impertinente, comme un cerbère auquel elle ne saurait mentir.
je ne suis pas sûre de comprendre ahahelle soupire en ange chassé du paradis, honteuse de son secret dévoilé ainsi à la lumière du jour. elle était si sage, elle ne comprenait pas.