Ley, elle avait l'ennuie fécond sur le plat de la langue.
Son attention toute entière tournée vers l'homme vautré sur le canapé.
Elle était assise en travers du fauteuil, les cheveux dénoués, un pli amer sur la courbe de ses lèvres. Elle oscillait, fixant un point indéfini, un peu à la droite de ses pieds, l'air songeuse. Un fredonnement dans le creux de la gorge, sans rythme et sans grâce. Parce que l'ennuie lui vrillait le crâne. Parce que l'ennuie s'était fait souverain. Parce qu'il y avait des heures que Sez était plongé dans son bouquin, son attention toute pleinement focalisé sur une blonde fictive occupée à redresser un royaume, sauver un pays - comment pouvait-il se perdre dans l'approximation de l'imaginaire alors qu'il l'avait elle?


"On s'ennuie aujourd'hui.", Et Ley brisait le silence régnant dans la pièce, et Ley avait envie d'un zeste de Sez, envie qu'il s'occupe plus d'elle. Elle aurait voulu autre chose que cette après tout académique, elle aurait voulu le fracas de leurs rires, l'euphorie de leurs jeux, la fragilité des sourires, les têtes qui s'inclinent, devant une série ou un simple film, un prétexte pour simplement être près de lui. Elle aurait voulu tellement plus qu'une banale tolérance - qu'une banale acceptation d'un adulte à l'égard d'une enfant. Elle s'était redressé, prenant appui sur l'accoudoir du canapé, glissant son visage entre le bouquin et son propriétaire. "Non mais genre, on s'ennuie vraiment."

Les mots défilent silencieusement dans son esprit; sombre cage, gardienne trop folle de ses insomnies, emportée par une mélodie qui embaumait ses sens et faisait presque battre un peu plus vite son coeur apathique. Parce que Sez, il s’était malgré tout perdu dans la chimère son imaginaire, affaibli face au désir de s’échapper de l’ordinaire, proie au désarroi dès lors qu’on lui rappelait les obligations de la dure réalité. Car que pouvait-il y avoir de viable et d’heureux à vivre lorsqu’on n’était qu’une tache opaque sur un manteau trop blanc? Un stigmate, un virus, un jenesaisquoi que l’on devait à tout prix effacer. Que pouvait-il faire de ses journées si chacune d’entre elle s’avérait être une de trop? Avait-il le droit, ou simplement le désir de frôler l’ordinaire d’une vie calme et éloignée de toute cette haine insensée? Probablement que non. peut-être que jamais. pas tant qu’il sera ce garçon apprivoisé et si bien élevé. Mais pouvait-il simplement mordre la main d’un père qui l’avait sauvé? Si un jour il lui demandait de mourir pourrait-il le faire comme il lui avait promis il y avait quelques années? Et si, et si…. -

Un sifflement, un écho déplaisant qui brisait l’harmonie dans laquelle Sez s’était tantôt plongé. Une crinière dorée, un rayon de soleil qui surgissait d’entre les pages dans lesquelles sa liberté s’était tantôt réfugiée. “et pourquoi ça devrait être mon problème?” ses yeux restent figés contre le bouquin, tentant du mieux qu’il le pouvait d’éviter le gros obstacle qui obstruait sa vue. “j’ai des plans d’ici une demi-heure….” il ferme alors son livre, claque la langue et le pose sur le canapé. “mais dis-moi ley” Il profite alors de sa position pour rapidement refermer son étreinte sur elle et attraper son visage entre ses deux mains avant de la fixer, le rictus fièrement dressé. “c’est presque que j’aurai l’impression que tu ne saches pas t’occuper sans moi à tes côtés. quand est-ce que tu grandiras un peu?” il rit aux éclats avant de finalement la libérer pour ébouriffer le haut de son crâne et les quelques mèches qui semblait désordonnées. “t’es presque adorable comme ça tu le sais ça?”

Elle avait apprit à s'y faire, aux plans de Sez, aux demoiselles qui défilaient dans sa vie comme un millier de courant d'air. Elle le regardait sans mot dire, remuant vainement dans son étreinte dans un geignement plaintif. Elle se demandait si il était comme ça avec tout le monde, si il se perdait ainsi dans des flots de paroles avec la première dévergondée qui croisait sa route. Elle espérait que non. Ces fanfaronnades un peu gauche devaient lui être exclusive. Cet là, tout embourbé dans son arrogance était à elle. Loin, très loin de la façade policé qu'il se plaisait à constamment affiché, dans les fondements même d'une humanité préfabriquée.


"Je suis déjà grande. C'est toi qui continus à me faire des prises de catchs sur le canapé! "Mais Sez n'était pas un adversaire loyal, il franchissait toutes les barrières qu'ils avaient érigés, en soufflant les mots de la peine. Adorable. Elle dû se mordre les lèvres pour ne pas faire quelque chose d'aussi stupidement niais que rougir. Ley qui bat doucement des paupières, les lèvres légèrement entrouverte. "N'importe quoi. C'est juste qu'ils passent ce stupide film que tu voulais voir. Et qu'il reste des gyoza." Elle fronce son nez avant de s'échapper de son étreinte, les mains posés sur ses joues et le pas beaucoup trop vif pour être naturel - il y avait trop de lui dans les battements désordonnés de son palpitant pour qu'il soit pleinement à elle.  "Elle est si bien que ça, cette nana?"

Surement qu’il était indifférent face à cette nouvelle qui devait le faire sauter de joie. Que les mots n’avaient plus le moindre sens, qu’il n’y avait plus rien que ne pouvait exister, être perçu par ses yeux dorés. Seulement cette main qui s’avançait et son esprit qui s’embrasait un peu plus à chaque seconde écoulée. jusqu’à ne plus rien contrôler. Jusqu'à ne plus ressentir. Néant envoûtant; alchimie du désordre qui parfumait la chaleur de ses joues et le sucre de ses paroles fruitées. à renaître et enfin exister, même si ce n’était que pour ce maigre instant où leurs yeux se croisaient et qu’il laissait fondre son manteau de superficialité. A la regarder tendrement, plus comme un parent, seulement, un peu comme un amant. Comme un garçon qui venait de découvrir ces sentiments pesants, incapable de mesurer ses émois, de tempérer les folies de ses désarrois.

“par bien, je suppose bien que tu ne parles pas de hier soir quand même?”  la moue presque curieuse, il s’appuie sur ses coudes avant de la défier du regard alors qu’il laissait échapper quelques détails croustillants. “parce que j’ai beau être ton aîné et ton cher punching-ball d’ado retardé, je pense pas que je sois dans l’obligation de te raconter ce genre de détails.”. rire qu’il ne pouvait plus réprimer, il s’essuie le bord des paupières alors qu’il s’imagine bel et bien cette idée; de ley qui défoule constamment son énergie, ses vents et marées contre le rivage de sa patience perturbée. Calme qu’il ne réservait qu’à elle, rare élue à bénéficier d’un favoritisme précieux, d’une facette, d’un Sez qu’il n’offrait qu’à elle seule, même pas à toutes ces conquêtes passagères, ces simples escapades à la réalités, filets de lumières face à l’obscurité de la dure réalité. Il n’y avait que Ley, Ley qui brillait, ley qui était cette fenêtre par laquelle il pouvait voir les étoiles et la liberté. “mais oui elle est cool. cool au pieu.”

Il faut avoue qu'elle n'est guère habituer à ce genre de sujet. Elle en avait fait une donnée suspendue, presque abstraite, un point d'interrogation au plus fort de ces relations. La notion de respect et de pudeur n'a plus d'importance lorsque les mots viennent à s'égarer ses oreilles, lorsqu'elle l'observe, l'air bête, en battant doucement des paupières. Venait-il vraiment de lui faire un bilan de ses ébats sexuels? Et elle ne savait ce que trop bien ce que sous entendais ce léger sourire en coin. En aurait-il rit si elle s'était perdue dans un énième rougissement, dans un aveu supplémentaire de son inexpérience? Pourtant, c'était inscrit là, dans le pli de ses lèvres entrouvertes, dans ses yeux écarquillés, dans ce léger froncement de nez. Et mademoiselle attrapait le premier objet à sa portée, le lui envoyant à travers la pièce dans un grognement étouffé. Ley qui s'attelait à se faire oublier et à tout effacer. Quitte à transformer l'appartement en guerre de tranchée.

"Merde Sez ! J'ai pas besoin de connaitre les détails de ta vie sexuelle !" C'est comme un grondement au creux de la poitrine, une protestation sourde qui allume l'orage de son regard, une presque-jalousie et un sursaut d'exaspération. A ça, elle n'avait jamais vraiment put s'y faire, au fossé qu'il les séparait. Elle doutait qu'ils aient un jour été au même niveau, qu'il l'ait laissé la rattraper, apprendre à vivre plutôt qu'imiter. "Ew ew ew, oublis j'aurai jamais dû te demander ça tu penses qu'avec ta queue." Vaste débat qui n'admettait aucune intervention de sa part, aucun opinion, aucun implication- il ne manquerait plus que ça, évidemment. "De toute façon t'es surement sur-côté parce que t'es "beau"" Avec les guillemets évidemment, il ne manquerait plus qu'elle le complimente.

Et alors qu’un semblant de gêne semblait se dresser. Sez cherchait habilement à la faire abdiquer de sa propre curiosité, les canines légèrement dévoilées, le sourire carnassier prêt à dévorer. “tu m’as demandé ce que je pensais d’elle, je suis honnête hmpf hmpf.” il gigote presque sur place, les yeux clos en demi-lunes alors qu’il se plaisait à observer ses joues se colorer d’un rose embarrassé. “Eeeeeeeh. je ne te permets pas. Et puis, pourquoi tu serais surprise hein? tu m’as un jour connu comme un grand romantique? ” à s’éprendre pour la première fille qu’il trouvait jolie, à mimer l’amour et à draguer à la moindre envie. Il était pourtant subtil Sez, sous ses airs de poupées et son mauvais caractère de pourri gâté. à être tendre, mais seulement à moitié, à l’étreinte chaleureuse et aux mots glacés. à offrir son corps, mais jamais ce qu’il contenait; sentiments scellés dans une boîte de pandore qu’il n’ouvrira jamais.

Peut-être parce qu’il craignait que dans le dessin de sa vie si bien tracée, il n’y avait qu’une faille qui pouvait tout faire exploser. L’attachement; l’envie de vivre à deux et ce malgré le temps compté. Parce que sa vie n’était pas si précieuse et il pourrait si facilement s’en débarrasser. Car rien ne le retenait, rien ne pouvait le toucher, le faire émettre le moindre émoi qui remettrait en question tout ces principes qu’ils s’était inculqué. Mais l’amour, ça lui faisait peur tout cet inconnu qu’il entourait. S’il tentait d’y goûter, deviendrait-il alors avide au point de ne plus vouloir s’en passer? “beau? Ah. j’ai presque cru que tu me draguais. Mais tu es encore trop jeune pour jouer dans la cours des grands Ley.” langue tirée, un poil provocateur dans le simple but de l’irriter. Parce que si elle, avait la taille pour se moquer, lui, il lâche comme il l’était pouvait simplement évoquer la réalité de leur relation. Que malgré l’affection et la familiarité, il restait son aînée de plusieurs années. Et peut-être (il rêve évidemment) qu’elle devrait un jour commencer à lui faire preuve de respect. “sorry sorry, mais la drague de bac à sable ça ne marche pas avec moi !”

Elle connaissait la scène; c'était la même  qui se répétait indéfiniment, comm un tour de manège, comme une tendre fatalité qu'elle avait apprit à accepter: C'était tout d'abord les premiers messages, des soirées volées de-ci de-là, un écho de bonne humeur. Ce serait dommage après tout, de ne pas immortaliser ces moments, de ne pas en retirer une satisfaction presque viscérale, et encore plus dommage de ne pas s'en vanter, à fanfaronner comme si tous ces trophées accumulés sur l'hôtel de sa virilité ne pouvait être autre chose que le temple de sa fierté. Une fierté masculine qu'elle n'avait jamais put saisir, qu'elle s'était contenter d'observer, un peu de loin, sans réellement s'y attarder, parce que la chose, quoi qu'elle en dise, lui échappait.

"Il y a un pas entre être romantique et juste avoir d'autres exigences que le cul. Genre... qu'elle ait un sujet de conversation." Et peut être qu'elle n'aurait pas dû insister, qu'elle aurait simplement dû lâcher l'affaire, redevenir cette jolie poupée qui ne savait rien faire de mieux si ce n'est observer et se taire. Mais avec Sez, c'était compliqué. Parce que tout était trop et pas assez. Parce qu'elle rêvait de l'embrasser, mais pas trop. De sentir la douceur de sa peau ses doigts et de ses mains dans ses cheveux. Qui s'attardent sur sa nuque, dans un instant qui n'a ni commencement ni chute, juste un fantasme suspendue. Une utopie adolescente dont elle n'attendait aucune conclusion. Parce qu'à ses yeux, elle ne serait jamais rien de plus qu'une éternelle enfant. "Well, si pour toi être adulte c'est juste sauter sur tout ce qui bouge ça m'intéresse pas." Et il vaudrait sans doute qu'elle s'arrête là avant d'évoquer tout autre chose, une lâcheté en demi-teinte qui pigmentait chacune de ses paroles, chacun de ses gestes. Sez qui ouvrait tant de portes et les refermaient presque aussi tôt. Qui hésite pour mieux languir puis qui attaque sans prévenir. "Spoiler alert Kawerick y'a encore des gens qui assument le fait d'avoir besoin de sentiment pour coucher." Et ce débat là, c'est tout ce qu'elle aurait dû éviter.

C’était peut-être une réaction qu’il avait cent fois espéré, mille fois imaginé. Ce trop de candeur qui se lisait sans effort sur la courbe de ses lèvres, le long de ses cils battant, sur le bout de ses mots qui demeurent hésitants. Ce côté-là de Ley dont il ne se lassait jamais s’observer. Cet embarras trop évident dont sa fausse assurance était trop grandement parfumée; au point où le rouge devint pourpre qui, jusqu’au bord de ses joues montait. Elle était alors simplement Elvira dont il était le seul à connaître les secrets. Dont l’inexpérience  et l’innocente étaient devenu des évidences dont elle ne pouvait même plus être en mesure de cacher. C’était fou, à quel point, en dehors de leurs vies et obligations déstructurées, entre les mensonges et les vies inventées qu’elle arrivait, au sein de ces quelques mètres carrés à redevenir cette fille, cette gamine qui ne cessait de s’émerveiller; de se questionner sur le monde les pourquoi, les comment ça se fait.

“que ça t’intéresse ou pas, ce n’est pas mon problème”  il haussait les épaules, souriait du coin de la bouche alors qu’il se levait du canapé, se dirigeant vers la cuisine pour se servir un thé avant de retenir un énième soupir. “feelings involved ? La pire des situations. Ce n’est pas une question de morale là, mais de déontologie.” posant fermement la tasse sur la table il se tourne à nouveau vers elle, légèrement préoccupé, pas suffisamment pour l’assumer. “serais-tu en mesure de cacher ta vie? De couper les ponts si jamais il te le demandait? Je doute. Parce que les sentiments ça détruit. ça broie en morceaux puis ça te dévore jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un seul bout; les regrets, les et si je ne m’étais pas attaché?”

Son regard un rien contrarié couvait son échappé vers la cuisine faiblement éclairée. Elle vacillait un peu, sur la pointe des pieds, hésitant entre fuir et se rapprocher, rechercher cette chaleur qui l'avait toujours rassurée. Elle se demandait à quel moment la magie s'était éteinte, quelque part, dans l'âme d'Evan. A quel moment l'amour avait cessé d'être tendre pour devenir effrayant. A ne plus pouvoir se contenter de petites choses, des poussières égrenés de-ci de-là qui finissaient pas réellement compter. Ley étudiait ses traits, essaie d'absorber le plus d'information possible, et réalise qu'elle a tendance à faire des allers-retours entre la tempête de son regard et la courbe singulière de son nez... Parfois, elle chute jusqu'à sa bouche, comme si elle ne parvenait pas à rattacher les trois pour y dépeindre un tableau cohérent.

"Pourquoi chercher à mettre des chiffres là où ce n'est pas nécessaire?" Elle incline sa tête, pour avoir un meilleur angle, capter les rayons de soleil, et c'est comme soudain, le visage d'Eunho, reconstitué par cette sincérité caché dans l'arc de ss lèvres, la pente de ses pommettes, les rides fines du coin de l'oeil qui sont là même lorsqu'on ne s'y attend pas. "Si j'aime, c'est parce que cette personne me connait, qu'elle a toujours été là pour moi et qu'elle le sera toujours. Ca fait mal parfois c'est sûr." Lorsqu'elle se répète qu'il ne lui appartient, qu'il appartient à chaque femme qui passe entre ses bras et à aucune toute à la fois. "Mais ça ne me détruis pas. Bien sûr y'a des choses que je ne comprend pas, qui m'échappent même carrément la plupart du temps. Mais ça me rend heureuse." Au moins un tout petit peu, à chaque regard, à chaque sourire, à chacun d'eux.

“mais as-tu déjà connu l’amour pour en parler ainsi? ” peut-être que pour lui c’était trop étranger, trop inconnu cette notion, cette idée d’une Ley qui petit à petit, devenait une adulte en quête de liberté. C’était trop dur d’admettre qu’elle, comme lui avait son coeur qui pouvait dérouter de la ligne droite que la vie leur avait tracé. à s’éprendre pour se briser, à chuter pour mieux se rattraper. à aimer juste pour se brûler et oublier la fatalité qui les liait. “et pourquoi vivre sans si tout peut être calculé et numéroté? ça fait moins mal, ça rend le tout froid et indolore.”

Les yeux perdus en direction de sa tasse de thé, il s’était frotté son nez comme si ce simple geste allait faire envoler ce soudain malaise qui avait commencé à bercer ses pensées; ces sous-entendus-là, éparpillées entre ses mots édulcorés qu’il ne voulait pas analyser, qu’il ne voulait en aucun cas comprendre de peur de briser cette tranquillité qui s’était formée avec les années. Parce que les années et le temps avaient créé entre eux la plus puissante des complicité : là où les bras de l’autre étaient synonyme de foyer, le parfum, confort et mère de sûreté. Alors pourquoi forcer les choses pour essayer de frôler l’interdit, mais surtout le danger de tout déchirer? “pourquoi vouloir en faire trop, quand le bonheur est amplement suffisant? Parce qu’aimer ça veut dire qu’on peut se séparer. et qu’alors il n’y aura plus rien, ni même d’amitié.”

Ley. Il faut avouer qu'elle n'était pas habitué à ce qu'il lui parle de cette façon. Avec cette pointe de sincérité une fois les sentiments dévoilés. Elle n'arrivait pas à le cerner et encore moins à cerner ce qui se passait là, entre eux, un pas de deux sans sens ni réel aboutissement. Et elle aurait aimer pouvoir lire en lui, Ley, parvenir à suivre le fil de ses réflexions comme Sez semblait pouvoir le faire. Elle qui n'avait jamais put lui mentir, avec cette demi-vérité qui pointait sur le bout de sa langue sous ces yeux trop sombres. Elle qui était à Sez les pages dévoilés d'un livre ouvert.  Il tenait tant de chose dans le creux de sa main, sa naïveté, ses secrets, sa jeunesse, ses espoirs, ses inespérances. Est ce qu'elle trouverait encore un sens à sa quête si un jour l'homme ne voulait plus d'elle? Une Elvira sans Eunho, c'était aussi incongrue qu'une mer dénuée d'eau.

"Bien sûr que je le sais, je t'aime toi." Elle n'avait aucune difficulté à le dire, à l'admettre de manière claire et intelligible. C'était son évidence, sa réalité depuis longtemps. Cet amour à sens unique, cette dépendance à son égard, cette différence en ce qu'elle pouvait vouloir et avoir. "Je sais qu'on a une tâche à accomplir, qu'on est là pour protéger, qu'on ne vit pas vraiment et que c'est notre moyen d'être pardonné." Pour le risque que les leur représentait pour l'humanité, pour la vermine qu'ils pourraient être amené à engendrer. Il n'y avait rien de bon ou de mal dans ce simple constat, leur existence était une anomalie. Elle était une erreur perdue au milieu d'un milliers d'autres statistiques. Mais pendant quelques instants, pouvaient-elle espérait être un peu plus qu'une rédemption ou un chiffre? "Mais pourquoi parler de séparation lorsqu'on peut simplement être ensemble pour toujours? Pourquoi ne pas être cette parenthèse où on pourrait juste arrêter de prétendre et d'anticiper pour simplement exister?"Hors d'une bulle, un peu. Un pied à l'extérieur, loin de ces cieux qui avaient constamment un regard sur eux. Il y avait tant de chose qu'elle voulait faire avant de mourir, tant de joies contre lesquels se blottir. Tant de moment dont elle pourrait jouir avant l'ultime sacrifice. Et il y avait un peu de ça dans le regard qu'elle levait vers lui. Un peu de cette soif qui sommeil au sein de toute jeune fille, insatiable boulimique des plaisirs futiles qu'elle avait ardemment rattaché à tous les vices. Un sursis à l'écart de Vis Humanitatis.

Si seulement. Si seulement Sez pouvait arriver à se déconnecter comme Ley le faisait. D’agir avant de trop penser, d’être naïf avant d'acquérir trop de maturité. A arrêter d’écouter les autres et les plus âgés, d’se dire finalement que la vie, elle n’était la propriété de personne, en aucun cas de ce père, de cet à priori. Un peu plus tôt, peut-être qu’il aurait eu besoin de ces rayons de soleil qui auraient chassé l’obscurité qui avait noirci ses pensées. De doux murmures qui lui répéteraient qu’il était maître de ses choix, de ses envies, qu’il n’était pas seul, et qu’il avait toujours eu le choix de s’ouvrir, de s’offrir et donner un peu de lui, à elle, à ce eux qu’ils pourraient construire. Car quitte à ce que la bâtisse soit frêle, instable et peu coûteuse, elle aurait été faite à deux, de sentiments encore purs et sincères, de douceur qui aurait éradiqué cette violence étrangère. De cette haine-démence,  indissociable de ce qu’il était désormais. Convaincu que le bonheur n’était en aucun cas quelque chose qu’il devrait donner ou partager. Car sa vie, elle n’était qu’un pauvre funambule pendu au-dessus le vide, proie à la chute à la moindre intempérie. Alors à quoi bon se fatiguer? Chercher quelque chose à laquelle il risquerait de devenir fou au point d’oublier ce, pour quoi il s’était battu toutes ces années? Détruire tous ces efforts pour l'égoïsme d’un homme? Qu’oserait-il dire, lui, heureux, à ses frères qui sont morts par la main de l’un de siens? Il n’y avait pas de rédemption à chercher, aucune peine à expier. Seulement des responsabilités. Une culpabilité qu’il ne devait en aucun cas oublier. celle d’avoir supplié un homme de ne pas l’achever quitte à le rendre pion, tout lui convenait tant qu’il avait le droit de respirer.

“tu ne comprends pas Ley.” miséricorde qui résonnait en éclat de verre morcelés, la voix scindante, quoique un peu craquelée, il se lève, attrape sa tasse avant de s’arrêter à l’évier, pour vider son contenu. “ça n’a aucun sens.” la déposant dans le lave-vaisselle, il poursuit, les yeux perdus contre le porte manteau  “ça ne marche pas comme ça. surtout pas entre des gens comme nous.”, s’avançant, attrapant sa veste, il jette un dernier coup d’oeil en arrière “si c’était possible, ça serait déjà arrivé.”

Elle avait fait un pas vers lui. C'était la première fois qu'elle s'aventurait à mettre un mot sur les choses, à formuler ce qui lui trottait dans la tête, tous ces doutes enveloppes de presque-regrets. Ley, elle n'avait jamais eut la liberté de l'observer, la vulnérabilité de Sez. Ces craintes qu'il dissimulait à l'abri de ses paupières, crainte de l'amour et de ce qu'ils pourraient être. Ce qu'ils ne seraient sans doute jamais. Ils n'étaient que des étincelles destinés à se consommer jusqu'à devenir poussière. Un sacrifice étalé sur l'autel d'une cause qui la dépassait. Elle n'avait eut que le goût d'en profiter, de peut être essayer de réellement exister quitte à simplement s'y brûler.

"Ca ne tient qu'à toi Sez"Elle aurait aimé pouvoir le guérir de lui même, qu'il la laisse approcher, être autre chose qu'une soeur ignorant qu'il se devait de protéger. Mais il se tenait sur le pas de la porte, une main sur sa veste, le regard légèrement tourné vers elle. "Tu n'es pas obligé de t'en aller, de craindre le pire sans espérer le meilleur" La vie pouvait être plaisante lorsqu'on s'y abandonnait, elle pouvait être tendre couver sous la coupe de leur bienveillance. "Mais je ne peux pas te proposer plus que ça." Et sans doute n'était-ce pas grand chose, ce bout de femme pas assez humaine, carcasse gangrené par l'altération qui la rongeait. Juste Ley et ses boucles défaites qui se détournait du départ de Sez.