posé contre le mur du dôme d'entraînement je crame une clope. j'attends lily. dans d'autres circonstances j'aurais sauté au plafond, parce que lily elle est fraîche, elle a l'air cool, mais jusque là on a échangé que des banalités, ça me donne une occas' de faire connaissance. en d'autres circonstances ce serait cool ouais. mais là je l'attends pour la mise en situation, l'entraînement qui doit décider si elle me prendra comme duo. c'est vrai que quand t'es exécuteur t'as l'habitude que tout l'monde te considère comme un iench, c'pas pour ça que ça m'dérange pas. et là j'aime pas trop d'être en concurrence avec d'autres exécuteurs pour espérer et être "adopté". mais bon c'est le jeu. je tire la dernière taff en voyant sa crinière virevolter.

T'es en retard Swynford... Normalement c'est moi l'branleur nonchalant.

un petit sourire taquin. lily c'est un peu comme un soleil, une fois qu'elle arrive mes idées ombrageuses disparaissent. j'me craque les doigts et m'étire.

Prête à être éblouie ?

Intégrer le programme Geminos, quelle idée. Sur le chemin qui la menait au terrain d'entraînement, elle ne pouvait s’empêcher de douter. Comme à son habitude. Elle avait pourtant intelligemment peser le pour et le contre et, théoriquement, aux côtés d’un exécuteur elle risquait moins sa peau, ce qui était un atout non-négligeable. À cela s’ajoutait le fait qu’elle serait constamment sous sa protection et lui sous ses ordres. Dans l’idée tout était réuni pour lui plaire et la conforter dans sa décision. Alors à quoi bon hésiter ? Peut-être parce qu’elle n’arrivait pas à se fier aux potentiels exécuteurs à qui on la lierait ?  Peut-être parce que la totalité de ses précédents entraînements avaient été des catastrophes ? C’est la voix de Tengu qui la tira de sa réflexion.

— C’est ce que j’ai cru comprendre à écouter ton frère, Shimazu. Tengu Shimazu. Jusque là ils n’avaient échangés que des banalités autant dire qu’elle ne connaissait quasiment rien de lui, si ce n’est ce que son aîné passait son temps à le sermonner. De quoi s’inquiéter en somme. Et peut-être qu’elle l’avait déjà lorgné du coin de l’oeil avec Serina. Peut-être. Je n’attends que ça, elle marque une pause, remonte ses cheveux en queue-de-cheval, j’espère que je ne serai pas obligé de rayer ton nom de ma liste termine-t-elle, le regard espiègle. Ça m’obligerait à choisir entre l’exécuteur qui me faisait clairement flippé ou celui qui, vraisemblablement, semblait n'avoir jamais vue une femme dans un ensemble de sport moulant, manque-t-elle d’ajouter.

Dans la bouche d'Akira tout le monde est une ordure qui rêve secrètement de copuler avec sa mère, déformation professionnelle. Si tu veux vraiment connaître quelqu'un, pars du principe qu'il est tout l'inverse de ce qu'en dit mon frère... Ce qui fait de moi le meilleur exécuteur qu'ait connu cette académie, brillant par sa sagesse, son charisme et son humilité.

Mon sourire s'agrandit pendant que je la regarde s'attacher les cheveux. Je savais pas que c'était possible de rendre ça sensuel, s'attacher les cheveux... Est-ce que je bave ? Ah non, ça va. Elle me provoque en plus, je ricane.

Ah parce que je suis pas le seul sur la liste ? Je pensais pourtant que t'avais la tête sur les épaules et que tu ne retiendrais que le meilleur...

J'enlève mes gants en les tirant avec mes dents et je les glisse dans la poche arrière de mon jean, ok les vrais bails peuvent commencer. Je lui tiens la porte du dôme en faisant une révérence.

Après toi, partenaire.

— Et dire que je pensais être gâtée du point de vue familial, ironise-t-elle. Il fallait croire qu’elle n’était pas la seule à devoir supporter ce genre de tensions. Cela dit, Tengu avait tout de même le droit d’entretenir un contact direct avec son frère, lui. De son côté, elle se contentait des assistants et autres larbins respectifs de ses parents. — Rassure toi Shimazu, j’ai la tête en place. Elle marque une pause, relève la tête et le toise du regard un instant, réalise qu’il est bien plus grand que ce qu’elle pensait et qu’il pourrait certainement la soulever à la force d’un bras. Justement, c’est pour ça que l’on me laisse le choix, elle vient poser son index sur son torse, appuyant pour souligner chaque mot, parce que c’est moi l’inspecteur, termine-t-elle en ne le quittant pas du regard, laissant apparaître ses pommettes saillantes dans un sourire. À défaut d’être aussi grande que lui ou de posséder une quelconque altération, il fallait bien qu’elle s’impose et se fasse respecter. Surtout qu’à entendre son frère, Tengu et la discipline ne faisait clairement pas bon ménage. Du coin de l’oeil elle l’observe retirer ses gants et passe devant lui alors qu’il lui tient la porte. — Tes gants, il te serve à quoi ?

Je la regarde fanfaronner, petite princesse dans son château de carte. Suffit que je souffle dessus pour que tout s’effondre mais elle est adorable à jouer avec sa couronne en plastique, alors je laisse faire.

T'es sérieuse ? Enfin c'est une vrai question ? T'as lu mon dossier au moins ?

Je referme la porte derrière nous pendant que les lumières et la station de contrôle du dôme s'allument automatiquement. Je m'étire en baillant avant de reprendre. Les longs discours servent à rien, alors elle va avoir droit à une démonstration.

Quand un altéré touche ma peau son altération est annulée le temps du contact. Mais mon altération ne s'arrête pas là. Elle a un double tranchant qui touche tout le monde, humains comme altérés. Disons que les gants évitent que ce genre de trucs se produise...

Et je lui attrape le poignet à pleine main. Flash. Inquiétude. Stress. Contrôle. Défi. Contrôle encore. Attirance ? Je lui plais ?! J'ai lâché son poignet au bout de 5 secondes à bout de souffle, c'est toujours hyper éprouvant. Et flippant aussi. Flippant parce que je ne sais jamais ce que l'autre ressens de moi...

Tu le vois l'intérêt maintenant ?

Bien sûr qu’elle a lu son dossier, ou peut-être qu’elle l’a juste survolé par manque de temps ou qu’elle a demandé à quelqu’un de lui en faire un bref résumé parce qu’elle était trop occupé à se consacrer à ses propres examens plutôt qu’à son potentiel futur binôme. Égoïste qu’elle est. Alors elle se contente de lever les yeux au ciel en guise de réponse, équivalent d’un “mais tu me prends pour qui, imbécile ?”. Vilaine menteuse.
Elle pénètre dans le dôme, laisse ses yeux s’habituer doucement à l’agressive lumière artificielle qui émane de toutes parts et prête une oreille attentive à ses propos.
Intéressant, enfin une altération qui pourrait lui être réellement utile.
Brusquement elle sent ses doigts s’enrouler autour de son poignet et chaque pore de son être se faire assaillir de sentiments qui ne lui appartiennent pas, de sensations qu’elle ne parvient pas à exprimer. C’est qu’il s’agit d’une palette qu’elle n’a pas l’habitude d’utiliser Lily, une palette aux teintes bien trop chaudes, aux reliefs trop abrupts.
Elle ne désire pas aussi ardemment, peine à saisir le concept de spontanéité.
Et ça l’enivre autant que ça la terrifie. Comme un réflexe, elle laisse glisser sa main libre sur son arme et s’apprête à la dégainer… et il la lâche.
— Tu vas garder ça pour l’entraînement, elle s’efforce de reprendre son calme, son souffle, de ralentir son rythme cardiaque. Et dieu sait que ça la démange de lui hurler dessus et de tambouriner sur sa poitrine jusqu’à épuisement. En tout cas j’espère que tu mettras autant d’entrain dans la simulation qu’à me mater Shimazu, dit-elle en s’éloignant vers la station de contrôle. Imbécile. Il avait déjà réussi à mettre le doigt sur ce qui avait le don de la rendre dingue : lui faire perdre contrôle.

Elle a vraiment l'air chamboulée, et pas seulement parce que la sensation est étrange ou éprouvante. Je veux dire, c'est pas la première fois que je touche quelqu'un, personne n'en ressort en pleine forme, mais elle c'est différent. Elle a la tête de quelqu'un qui vient de vivre un truc vraiment traumatisant. Je m'en voudrais presque. OK, je m'en veux carrément. J'ai envie de la prendre dans mes bras, de lui dire que c'est pas grave (mais y'a rien de pire que d'faire ça). Ouais non, mauvaise idée, vu le ton glacial qu'elle a je serais juste bon pour me prendre un genou dans les... Bref. OH, MERDE. Est-ce que c'est une émotion ça "mater un cul" ??? Nan parce que si elle a ressentit ça elle peut peut-être ressentir mon historique internet... J'SUIS DANS LA MEEEEEEEEEEEEERDE !

Et... Et les chevilles ça va oui ?.. Fin qui te dit que c'est le tien que je... Bref ! Ouais je suis toujours motivé !.. Pour la simulation hein ! Oui oui, on m'appelle le cador du dôme à Hestia, hinhin... Tu vas voir...

Tengu, ferme la. Je me racle la gorge en m'échauffant, petite foulée sur place, grand écart et autres étirements (je suis très souple, ouais). En même temps je la regarde pianoter sur la station de contrôle.

Tu nous prépares quoi ? Une attaque terroriste avec otage ? Une course poursuite ? Un guet-apens ? Oh un guet-apens ce serait cool nan ? Parce que je t'avoue que la course c'est pas mon point fort et que je suis pas sûr d'arriver à garder l'otage en vie alors...

Et je me marre. TOUT SEUL. A MA PROPRE BLAGUE. PUTAIN TENGU TA GUEULE !

Elle n’écoute ses bêtises qu’à moitié, encore légèrement déboussolée par ce contact abrupt, tout en pianotant le clavier de la station de contrôle. Quel imbécile, elle ne peut s’empêcher de le maudire intérieurement, de s’imaginer lui tordre le cou et lui faire avaler de force ses stupides gants. Envahie par la rancoeur, l’inévitable arrive et elle se foire dans le paramétrage de la simulation : intempéries. Génial, il ne manquait qu’il se mette à pleuvoir dans le dôme. Elle n’a aucune idée de comment remédier à cela Lily, généralement ce sont les autres qui s’occupe des paramétrages et, jusqu’ici, elle n’avait jamais pris la peine de s’y intéresser. Comme pour pas mal de choses à dire vrai, l’habitude disons. Alors plutôt crever que d’aller demander de l’aide à Tengu, ça écorcherait sa fierté. Et revenir quand plus tôt elle s’en est allée de façon dramatiquement théâtrale, jamais.
— Une prise d’otage dans le port de Tokyo. Et il pleut, mimer l’affirmation, faire semblant d’être sûre d’un choix qu’elle n’a pas fait, y trouver, presque, une certaine utilité. Si elle le voulait, elle pourrait vendre des lunettes de soleil à un aveugle. Tu vas pouvoir jouer à cache cache entre les container. Le mot ne lui vient pas en japonais, alors elle le prononce dans sa langue maternelle. En espérant que l’anglais de Tengu soit aussi perfectionné que son humour douteux. — J’ai besoin de te donner mes consignes ou là encore tu comptes m’éblouir ? Comme avec ton altération ? La pique est à moitié dissimulée et elle ne peut s’empêcher de rire à sa propre blague, à défaut de la prononcer de vive voix.